Un art ancestral et contemporain

Cathédrale de Nevers - vitraux de J.-M. Alberola, 1989-1991Cathédrale de Nevers - vitraux, de J.-M. Alberola 1989-1991

Rôles des vitraux

Le vitrail est une composition décorative translucide utilisant le verre comme matière première. En Europe, l'art du vitrail se manifeste essentiellement dans l'architecture religieuse chrétienne. Les vitraux possèdent alors trois grandes fonctions :

  • clore : sa première fonction, mécanique, est de clore les ouvertures tout en permettant à la lumière de pénétrer.
  • décorer : il devient un élément décoratif s'il présente une composition de couleurs et de motifs.
  • raconter : il peut parfois décrire une scène et raconter une histoire. Ce rôle fut important dès le Moyen Âge dans l'enseignement religieux des populations illettrées. Utiliser couleurs et lumière afin de « diriger les pensées des fidèles par des moyens matériels vers ce qui est immatériel » : c'est en effet la définition de la fonction du vitrail religieux donnée par l'abbé Suger, historien et conseiller des rois Louis VI et Louis VII, abbé de la basilique royale de Saint-Denis et qui en commanda les vitraux en 1144. Le vitrail devient le symbole de la lumière sacrée, de la transcendance du divin.

Trois grandes familles de verrières se partagent l'espace :

  • les verrières figurées : elles représentent des personnages de la chrétienté, souvent reconnaissables à la symbolique qui les entoure.
  • les verrières historiées : elles illustrent des passages de la Bible ou de la vie des Saints.
  • les verrières décoratives non figuratives : souvent ornées de motifs géométriques, elles laissent parfois paraître des blasons de bienfaiteurs.

 
Cette fonction pédagogique a disparu au XXe siècle, au profit d'un dialogue entre l'architecture et les vitraux, vus comme une expression artistique contemporaine. Les vitraux contemporains, en mettant en relation les couleurs, la transparence et l'architecture, ont toujours aujourd'hui le rôle de créer une ambiance propice au recueillement, mais aussi de célébrer la lumière et de magnifier l'espace dans lequel ils s'inscrivent.

Une histoire du vitrail

Le verre blanc est connu dès l'Antiquité en Égypte et en Orient. Les Romains l'utilisent pour clore les ouvertures de leurs maisons. Le verre coloré décoratif, le vitrail donc, existe en Europe occidentale dès le Ve siècle.  

C'est cependant à partir du XIIe siècle qu'il se développe réellement, dans les églises romanes. Essentiellement composé de verre blanc, il est très clair pour apporter le plus de lumière possible dans des ouvertures rares et étroites. La translucidité du fameux « bleu de Chartres » (cathédrale de Chartres) répond à ce critère de luminosité. Certains ordres religieux, comme les Cisterciens, prônent plutôt un vitrail incolore à motifs géométriques, plus propice selon eux à la méditation et à la prière que les riches vitraux colorés.

Au XIIIe siècle, l'architecture gothique permet aux fenêtres de s'agrandir. Les vitraux deviennent plus foncés, et la gamme de couleurs s'enrichit.

Les XIVe et XVe siècles sont marqués par la découverte de nouvelles couleurs et effets, et par l'amélioration de la qualité du verre. Les scènes deviennent de plus en plus précises, les visages plus expressifs et les couleurs plus nuancées, grâce à une parfaite maîtrise technique. La découverte des émaux améliore encore la palette de couleurs, mais assombrit aussi le vitrail.

En réaction, le XVIIe siècle recherche la clarté : les vitres sont blanches et simplement ornées d'une bordure colorée. Au XVIIIe siècle, le vitrail de couleur est tout bonnement banni.

À partir du XIXe siècle, le vitrail décoratif  réapparait, donnant naissance à une véritable industrie. Standardisé, il se vend sur catalogue. Alors que la peinture française connaît un formidable succès, le vitrail reste à part, dénué de toute créativité. Il faut attendre le mouvement de « l'Art Nouveau », à la fin du siècle, pour que le vitrail redevienne un art vivant.

 

Les vitraux contemporains

Un premier renouveau de l'art sacré et des vitraux apparaît après la Première Guerre Mondiale, lorsqu'il faut rebâtir des églises. En France, quelques artistes créent des sociétés spécialisées en art sacré, comme Maurice Denis et Georges Desvallières, avec leur Atelier de l'Art Sacré. Sur la demande des architectes Perret, ils réalisent ainsi en 1925 les vitraux de Notre-Dame-du-Raincy, surnommée « La Sainte-Chapelle du béton armé », nouveau matériau qui permet de percer de grandes ouvertures. L'iconographie y est très réduite, tandis que les motifs décoratifs et la couleur immergent le visiteur dans un bain lumineux.
Ce type de réalisation reste cependant ponctuel, jusqu'à l'arrivée du Père Couturier, qui, des années 1930 jusqu'à sa mort, se bat pour le renouveau de l'art sacré. Non sans rencontrer d'hostilité, il défend une haute idée de l'art à travers sa revue « L'Art Sacré », qu'il anime avec un autre dominicain, le Père Régamey. Il souhaite que l'art soit à nouveau inspiré par la tradition chrétienne. Ses liens d'amitié avec Matisse, Léger, Le Corbusier, et d'autres artistes, chrétiens ou non, donnent naissance à des églises emblématiques de l'art sacré de la seconde moitié du XXe siècle.

Son combat s'inscrit dans le grand débat sur l'art sacré qui agite le monde religieux entre la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le Concile de Vatican II (1962). Dans cette période de Reconstruction, doit-on se tourner vers la tradition la plus rigoureuse, ou rompre avec elle et créer un nouveau langage dans les édifices religieux ?

Les nombreuses commandes de cette époque, en partie financées par l'État, permettent aux artistes français de choisir cette seconde voie, et d'imposer une qualité créative reconnue partout dans le monde. Parmi ceux qui s'essayent à l'art du vitrail, figure Matisse, qui crée les vitraux de la Chapelle du Rosaire de Vence (1947-1951), qu'il considère comme son chef-d'œuvre. À l'église du Sacré-Cœur d'Audincourt (1949-1951), dans la banlieue ouvrière de Montbéliard et Sochaux, Fernand Léger, connu à l'époque pour son engagement communiste, propose un ensemble de vitraux d'une force éclatante, bien qu'il soit lui-même athée. D'autres artistes réalisent des vitraux durant cette période : Georges Braque et Raoul Ubac à Varengeville en 1960, Viera Da Silva à Saint-Jacques de Reims en 1974, Marc Chagall la même année à la cathédrale Notre-Dame de Reims.

Leur point commun est l'emploi de l'abstraction, qui devient particulièrement important à la fin du XXe siècle. Elle est utilisée par des artistes contemporains comme Soulages à l'abbatiale de Conques, ou encore par le dominicain coréen Kim-En-Joong dans la cathédrale de la Résurrection-Saint-Corbinien d'Evry (1996), l'une des rares cathédrales françaises du XXe siècle. Il y réalise des vitraux où la couleur et le rythme revêtent une importance toute particulière.

D'une manière générale, ces créations contemporaines dans des lieux religieux créent aujourd'hui plus de sens qu'elles n'expriment un savoir. Ce n'est plus une théologie mise en images, mais une image qui fait penser ceux qui la contemplent.

 

Calque et tracéTechniquement,
qu'est-ce qu'un vitrail ?

La matière première est le verre, connu depuis l'Antiquité. Il est obtenu en mélangeant et en chauffant du sable, de la soude et de la chaux.

Dans le vitrail, le verre est utilisé en morceaux colorés ou peints, sertis dans des baguettes de plomb soudées entre elles. Il est probable qu'avant le plomb, des claustras en bois ou en stuc aient été employés. La technique s'est améliorée, mais, d'une manière générale, nous utilisons toujours les grands principes de fabrication définis au Moyen Âge.

La création d'un vitrail

L'exécution d'un vitrail selon les techniques traditionnelles passe par de nombreuses phases.

  • le relevé des mesures : relevé précis de la taille des ouvertures, de leur orientation et de leurs conditions d'éclairement.
  • la maquette : esquisse en couleur, souvent à l'échelle 1/10ème, qui représente en détail le décor, la répartition des taches de couleur qui le composent, le tracé général des plombs, et la place de l'armature métallique qui tient le tout (barlotières).
  • le carton : agrandissement de la maquette à l'échelle d'exécution, sans indication de couleur, précisant le réseau de plomb, l'emplacement des barlotières, ainsi que les détails qui seront peints sur le verre.
  • le calque, le tracé, le calibrage : le calque sert à relever, à partir du carton, le dessin des plombs, c'est-à-dire les lignes qui déterminent la découpe des morceaux de verre. Ce calque est reporté sur un papier épais, appelé tracé. Chaque morceau représentant une pièce de verre est numéroté. Le tout est calibré, c'est-à-dire découpé, puis réassemblé comme un puzzle sur le calque.
  • la coupe : les morceaux numérotés sont posés sur une feuille de verre de la couleur qui leur correspond. Cette feuille est ensuite découpée en suivant le contour des morceaux à l'aide d'une règle et d'un diamant.
  • la peinture : les décors sont peints à la grisaille, peinture qui se vitrifie à la cuisson, adhérant ainsi parfaitement au vitrail. S'il y a lieu, on applique aussi la sanguine (qui donne les carnations des personnages) et les émaux.
  • la cuisson : toutes les pièces sont à nouveaux assemblées et enfournées. La peinture se vitrifie à partir de 630°. Il faut ensuite attendre 24 heures pour défourner le verre, le temps que la température s'abaisse, et éviter un refroidissement brutal du verre, qui le briserait.
  • le sertissage : chaque pièce de verre est encastrée dans des baguettes de plomb. Le panneau terminé reçoit deux plombs d'entourage, très serrés, pour maintenir l'ensemble aux mesures. Chaque jonction entre les plombs est soudée. Ces opérations se réalisent sur les deux faces. Le panneau est ensuite enduit d'un mastic, glissé sous les baguettes, pour assurer étanchéité et rigidité.
  • la pose : des barlotières, ou barres de fer en T, sont scellées dans la pierre pour maintenir les différents panneaux des vitraux. Le tout est consolidé par un calfeutrage de chaux et de sable.

De nouveaux types de verre

À la fin du XIXe siècle, apparaissent de nouveaux types de verre : les verres opalescents ou « américains » ; les verres imprimés d'un relief ; les verres « antiques » (dont les défauts sont accentués), employés dans des vitraux de styles Art Nouveau ou Art déco. Dans les vitraux de Tiffany (États-Unis), chaque verre est entouré d'une lame de cuivre rabattue de quelques millimètres sur chaque face, qui sert à lier entre elles toutes les pièces.

La seule innovation de cette époque, et qui connaîtra un grand avenir, est la dalle de verre. Ce type de vitrail peut être défini comme un assemblage de verres épais, liés par un béton ou une résine.

Malgré la concurrence de matériaux synthétiques nouveaux, le verre offre encore aujourd'hui de vastes possibilités de recherches plastiques, en collaboration avec l'industrie.

 

En savoir plus : Notre Dame de Royan, Guillaume Gillet, architecte de Rose Gillet et Notre-Dame et les églises de Royan  de Frédéric Chassebœuf aux Éditions Bonne Anse

 

 

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