Avant Notre-Dame

Notre-Dame constitue la synthèse des deux principales recherches de l'ingénieur Bernard Laffaille :
le « V » et la couverture en « selle de cheval ».

 

Le V

Mis au point par Bernard Laffaille en 1933 pour un hangar à Metz, développé en 1937 pour des hangars d'aviation à Pancevo en Serbie, non loin de Belgrade, le V Laffaille se définit comme « un trumeau en voile de béton armé, présentant un section en V ».[1]
Il présente deux avantages : éviter le flambage (une poutre allongée sollicitée en compression longitudinale a tendance à fléchir, et donc à se déformer dans une direction perpendiculaire à la force appliquée) et réaliser une économie de temps, de matière et d'argent, grâce à la préfabrication.
A cause de sa mise œuvre économique, les premières utilisations du V seront industrielles : hangars, silos à grains...
Le V Laffaille acquiert une grande notoriété après-guerre, avec la construction des rotondes SNCF en 1946, en Avignon et dans toute la France. Préfabriqué au sol puis levé pour être mis en place lors de ce chantier, il franchit une nouvelle étape à Notre-Dame avec la technique du glissage consistant à monter les poteaux, en place, progressivement, verticalement au moyen d'un coffrage glissant.
Guillaume Gillet, à qui Max Brusset avait demandé de créer une église « haute », avait immédiatement saisi l'intérêt de ces poteaux autoporteurs pour le projet de Notre-Dame.

 
 

 

La selle de cheval

La technologie des voiles suspendues en béton armé est inventée, dès la fin du XIXe siècle, en Russie. Elle répond, elle aussi, aux nouveaux besoins industriels de construction de vastes espaces, à la surface dégagée des poteaux. D'abord en forme de coque simple, le dessin se complexifie pour aboutir à des solutions de plus en plus audacieuses, mathématiques, appelées « voile suspendue », réalisée en béton coulé autour d'un réseau de câbles prétendus. Ainsi, après les coques simples utilisées sur les marchés d'Algésiras ou de Phnom Penh, avant-guerre, les ingénieurs développent des systèmes de couvertures reposant sur le principe du voile mince de béton. Bernard Laffaille, en collaboration avec l'architecte Robert Camelot, réalise, dès 1937, une structure suspendue, métallique, pour le Pavillon Français à Zagreb. Selon Guillaume Gillet, « le principe de cette voûte qui fait intervenir des tensions et des surfaces réglées indéformables, apporte une révolution comparable à la croisée d'ogives, qui allégeant les poids et répartissant les efforts, a permis après l'aventure romane à la voûte en berceau, l'aventure gothique et ses élans, et le vitrail, ce mur de verre. » [2]

 

En 1951, le futur CNIT de la Défense fait l'objet de nombreux avants-projets dont celui de Camelot et Laffaille qui présente, pour couverture une selle de cheval en voile mince suspendue à double courbure. Mais c'est aux Etats-Unis, où les même recherches existent, que le prototype verra le jour sur la halle de Raleigh en 1953. En 1954, la voile suspendue en selle de cheval à l'aide de câbles prétendus, semble maîtrisée par Laffaille qui l'utilise sur le chantier du centre-émetteur d'Europe 1 en Sarre, à Felsberg [3]. La mise en œuvre s'avère pourtant extrêmement difficile et lors du décoffrage, des fissures apparaissent. Mais ces premières erreurs serviront de leçons pour le prochain grand chantier : Royan.

Bernard Laffaille, avant son décès, en 1955, prépara deux projets de ce type sur des édifices religieux : l'église Notre-Dame de la Paix de Villeparisis (1954-1958) et Notre-Dame de Royan.

Pour Guillaume Gillet, le principe de couverture en selle de cheval avait déjà fait le fruit, en 1953, d'une recherche de couverture en voile mince, menée avec Bernard Laffaille sur le projet du théâtre de Valenciennes qui servit de prémices à Notre-Dame. C'est sur ce projet que les deux hommes se sont rencontrés. Guillaume Gillet raconte : « Ce fut une étincelle, un éclair, une révélation. (...) Invité à proposer un projet pour la reconstruction de l'église de Royan, je lui ai demandé de chercher avec moi le moyen de porter cette voûte sur ces colonnes, me souvenant de la démarche de Michel-Ange, qui était de construire la coupole du Panthéon d'Agrippa sur les arches de la Basilique de Maxence, et j'ai vu l'enthousiasme de cet inventeur de principes qui rencontrait un architecte désireux de les transposer en architecture, et je témoigne de la joie de l'architecte de voir son imagination appuyée par l'affirmation d'un ingénieur : nous étions en train d'inventer un style. C'était la griserie de la création. »

 

[1] Nicolas Nogue, notice de Bernard Laffaille in Antoine Picon, L'art de l'ingénieur, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1997, pp. 260-1, 339.

[2] Guillaume Gillet, Chroniques du Figaro, p.37.

[3] La Sarre était un territoire autonome contrôlé par la France jusqu'en 1957.

 

En savoir plus : Notre Dame de Royan, Guillaume Gillet, architecte de Rose Gillet et Notre-Dame et les églises de Royan  de Frédéric Chassebœuf aux Éditions Bonne Anse

 

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