Notre-Dame, première du nom

La première église Notre-Dame de Royan

Il paraît difficile de comprendre l'œuvre de Guillaume Gillet à Notre-Dame de Royan, sans faire le point sur l'église à laquelle elle a succédé. Avant d'aborder l'architecture de ce premier monument, il convient de rappeler quelques points d'histoire. C'est en 1859 que la municipalité de Royan fait appel à l'architecte bordelais Gustave Alaux (1816-1882). Elle lui commande alors les plans d'une église à élever dans le centre du bourg de Royan qui puisse accueillir la masse sans cesse grandissante des fidèles, en particulier durant la période estivale, car l'église Saint-Pierre, perchée sur son coteau, est devenue vétuste. De plus, elle n'est pas assez grande, peu représentative pour la jeune station balnéaire pleine d'ambition, et trop éloignée du centre vital. L'argument de l'éloignement n'est pas nouveau puisque dès 1776 les habitants de Royan font observer que le chemin conduisant de l'église Saint-Pierre au bourg, long de 160 toises est «impraticable en totalité, étroit, très creux et rempli de boue» (Acte capitulaire du 11 février 1776 reçu par Moreau, notaire à Meschers. Archives départementales de Charente-Maritime, 3.E.XC/268).

 

La construction de la nouvelle église aurait pu être rondement menée si les royannais ne s'étaient pas laissés emporter par les inévitables querelles intestines dont eux seuls possèdent le secret. La source de quinze ans d'atermoiements vient involontairement d'une pieuse paroissienne, Geneviève Besse, décédée en 1861, qui souhaite hâter le chantier de construction par un legs qui doit être versé à sa mort. Lassé par d'interminables et stériles débats à propos de l'emplacement à choisir pour la future église, Gustave Alaux, est décrit comme «un architecte fort habile, présentant à l'administration toutes les garanties désirables».
Antoine Brossard (Rapport du 1er juin 1863. Archives départementales de Charente-Maritime, 2.0.1681), qui cherche à calmer les esprits (même s'il avait eu à partir quelques années plus tôt avec son illustre confrère bordelais lors de la construction du clocher-porche de l'église Saint-Etienne de Mortagne-sur-Gironde), jette l'éponge en 1867 au profit d'Auguste Labbé (À propos du désistement de Gustave Alaux, voir l'article biographique consacré à Auguste Labbé dans Chassebœuf Frédéric, Les Villas de la Côte de Beauté en Charente-Maritime, éditions Patrimoines et Médias, Prahcq 2005, p. 280, 281). Mais les difficultés ne disparaissent pas pour autant et Auguste Labbé doit reprendre la totalité du dossier et rédiger de nouveaux devis en 1869. Il faut cependant attendre 1874, pour que les premiers coups de pioche soient enfin donnés par l'entreprise de maçonnerie Joseph Moreau de Libourne, qui n'achève les travaux qu'en 1878.
Six ans plus tard, l'édifice, qui affiche pourtant des proportions honorables, se révèle trop petit, si bien qu'en 1888 Jean-Louis Labbé fils d'Auguste, dresse les devis d'une tribune en bois qui sera réalisée dans le bras de transept nord de l'église. (sur les détails du chantier, voir Archives départementales de Charente-Maritime, 2.0.1683).

Coupe longitudinale
 

Fort heureusement, les plans coupes et élévations de la première église Notre-Dame, assortis de quelques vues, ont été publiés dans le numéro 53 de la revue Monographies de bâtiments modernes, publiée par Antoine Raguenet à Paris. On y découvre une église de style néo-gothique à clocher porche d’un modèle déjà éprouvé dans le dernier quart du XIXe siècle, mais dont le programme avait probablement été établi dès les années 1860 par Gustave Alaux. Plus que son architecture, c’est la réalisation technique qui paraît avoir motivé cette publication. Construite approximativement à l’emplacement de la place Charles de Gaulle, l’église avait nécessité une mise en œuvre particulière au niveau de ses fondations, dont les principes sont rappelés dans le petit texte qui accompagne les planches. On apprend notamment que «comme on ne pouvait bâtir sur pilotis, on fit reposer de larges fondations sur une couche de béton plus large encore, ayant un mètre d’épaisseur» et que, «faute de cailloux, ce béton a entièrement été fabriqué avec du mœllon dur, concassé, tiré des carrières de Berlau» en Charente-Inférieure. Composée d’une nef à bas côtés de quatre travées précédée par un clocher-porche à flèche haut d’une cinquantaine de mètres, de deux bras de transept et d’un chœur non orienté à pans coupés assez large et enserré dans un réseau de sacristies, la première église Notre-Dame est loin d'égaler la légèreté qu’avait su imprimer dès 1858-1860, l’architecte parisien Louis Auguste Boileau à Notre-Dame de Rochefort, malgré les vives critiques émises par la commission consultative des travaux publics de Charente-Inférieure (Rapport du 3 décembre 1857.

(Archives départementales de Charente-Maritime, 2.0.2033). Cette impression de lourdeur que donnait l’église Notre-Dame de Royan se retrouvait à l’intérieur, notamment au niveau de la nef, découpée en trois niveaux (grandes arcades, faux triforium, fenêtres hautes) où la lumière ne pénétrait pas en abondance par les bas-côtés. Les masses de pierre de taille, sans décor polychrome comme il est de mise au XIXe siècle, renforçaient l’effet d’austérité intérieure qu’un important programme de verres peintes parvenait difficilement à estomper (À propos de ce programme iconographique, voir Mazure (abbé).

 

La nouvelle église de Royan, ses vitraux et ses clef de voûtes, (Royan, imprimerie Victor Billaud, 1878).

En résumé, la nouvelle église de Royan, que les royannais avaient tant attendu, ne brillait pas par ses aspects stylistiques novateurs. Elle représentait, si ce n’est un avatar, du moins une variante parmi tant d’autres un modèle que l’architecte Lassus met en place par exemples dès la fin de la première moitié du XIXe siècle à Nantes, et que Gustave Alaux relaye avec un certain talent dans la campagne girondine dès les années 1850. Il est vrai que la diffusion du style néo-gothique est un peu plus tardive en Charente-Inférieure qu'ailleurs, ayant rencontré quelque obstacle sur son chemin, en la personne de l’architecte d’océsain Antoine Brossard, farouche défenseur des traditions néo-classiques. (À ce sujet voir Chassebœuf Frédéric À propos de la diffusion du style néo-gothique au XIXe siècle en Charente-Inférieure : le cas de l’église de Mortagne-sur-Gironde, dans Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, Saintes, 2003, p. 101 à 104). Replacée dans son contexte régional, la première église Notre-Dame de Royan reprend quelques couleurs puisque le modèle de l’église néo-gothique à clocher-porche est encore très en vogue dans les années 1880, comme le montrent les exemples des églises de Fouras ou de la Tremblade !

 
 

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